MON ACCOUCHEMENT – VOIE HAUTE

18 mars 2020

J’ai été admise à la maternité 1 mois et demi avant mon terme pour un placenta vasa preavia.. 1 cas sur 5000 donc évidemment il fallait que ça tombe sur moi ! Bizarrement, ça ne fonctionne pas pareil avec le tirage gagnant du loto, là ça ne tombe jamais sur moi. Je fini même par me demander s’il n’y a pas eu un bug, un mauvais réglage dans mon destin ! Je ne sais pas moi, ma mère a peut être fait une fausse manip quand je suis née, le karma n’a pas enregistré la partie positive de ma vie…? Je pose ça là, si le karma vient me lire… on ne sait jamais !

Je risquais à tout moment une hémorragie, fatale pour mon bébé et pour ma propre vie. Oui c’est direct un médecin ! Et il n’y avait rien d’autre à faire que d’attendre ! ATTENDRE ??? La patience n’étant pas tellement mon fort, c’était presque pire que l’annonce de l’hémorragie potentielle.. !

Alors j’ai attendu patiemment le moment de ma césarienne (bon ok pas du tout patiemment, mais pour l’article on va mettre ça … !) J’ai donc attendu très longtemps en regardant planer au dessus de ma tête cette épée de Damoclès prête à tomber comme les numéros de loto : BIM le 21, BIM le 2, BIM le 8, BIM le 13, BIM le 27, BIM le 42 (si c’est les numéros gagnants, pas de blague on partage hein !).

Moi ça a fait :

BIM vous allez devoir accoucher par césarienne, BIM vous devez être admise à la maternité dès aujourd’hui sous surveillance rapprochée BIM jusqu’à votre accouchement vous allez rester allongée dans une chambre d’hopital, BIM vous risquez une hémorragie à tout moment, BIM votre enfant peut mourir et vous aussi BIM il va falloir attendre…

J’ai attendu dans le service des grossesses à haut risque et que c’est long d’attendre… ! Attendre sur cet horrible lit d’hôpital qui reste l’un de mes pires souvenirs.

J’allais à des ateliers de préparation à la naissance dont j’étais visiblement dispensée : “ce n’est plus la peine de venir à la préparation à l’accouchement, vous allez avoir une césarienne !” Ha on ne nous prépare pas nous, et pourquoi? Parce qu’on n’accouche pas nous en fait, c’est ça?”

J’y allais quand même avec l’espoir d’y trouver un petit conseil pour me préparer à ce que je redoutais tant dès le départ, la méchante césarienne …

Ah j’en ai eu pour mon grade, à chaque fois on m’expliquait que la césarienne c’était vraiment LE TRUC à éviter, seulement en dernier ressort, que le mieux c’était d’accoucher par voie basse. Sans blagues ?! Ah parce que ce n’est pas le kiff de toutes les femmes de se faire ouvrir le ventre ?? Parce que vous pensez que c’est le choix de la plupart des femmes ? Parce que c’était prémédité que j’ai un placenta bas inséré nécessitant une césarienne vous croyez ? Comme si ce n’était pas assez difficile il fallait en plus qu’on nous culpabilise d’avoir été tirée au sort là où pour une fois on aurait préféré qu’on nous oublie.

Je l’avais imaginé mon accouchement par voie basse, rêvé même et en détails depuis ma plus tendre enfance et là tout s’effondrait…

J’allais accoucher par césarienne.

“Vous n’accouchez pas madame, on vous opère !” et re BIM !

Voila qui mets les bases directe ! Celle là elle a fait mal.

Une césarienne c’est une succession de deuils à faire, de déceptions à encaisser, de frustrations à accepter. Et en plus on ne veut pas nous y préparer et c’est pas faute d’avoir posé des questions en atelier ! Mais vraisemblablement ce sujet fait peur, ce sujet est tabou, et il doit rester sous le sceau du secret. Pourtant cela aurait aidé tellement de femmes si on leur en avait parlé AVANT.

Alors vous comprendrez que ce sujet, je le maîtrise désormais, mais surtout il me tient à coeur.

Un soir à la clinique, je décidais de regarder une série après une longue journée.. à attendre !! Mon chéri en boxer, mon ventre et moi étions sur le lit (une place), les yeux rivés sur cette série vraiment nulle de Gad El Maleh…. (détail qui n’apporte rien au débat mais c’est pour vous mettre dans l’ambiance !)… “Pause pipi”oblige, “en mode baleine activé” j’ai roulé jusqu’à la salle de bain pour la 10000e fois de la journée. (Oui ben chaque détail compte !)

Et là, je l’ai eue mon hémorragie !

J’avais donc bien fait de rester là sur ce lit ce dernier mois plutôt que de fuir (ce à quoi j’ai pensé chaque jour je ne vous cache pas : ah ces hormones) !

Là, même si je pouvais m’y attendre évidemment, ça reste un choc, voir du sang partout … ! Parce qu’une hémorragie ça peut vouloir dire tout et rien à la fois ! Mais soyons clair, une hémorragie, c’est pas une petite goutte de sang, c’est beaucoup, beaucoup de sang qu’on perds à chaque battement de notre coeur. C’est dire si la symbolique est forte.

J’ai crié, mon conjoint (toujours en boxer) a accouru pour comprendre ce qu’il se passait, il a compris, il est reparti (toujours à moitié nu) dans les couloirs pour chercher de l’aide ! Pitoresque, avec le recul, ça nous fait rire !

Pendant ce temps, j’étais en perte de contrôle total, je marchais pour appuyer sur ce fameux bouton “code rouge” et rouge à pris tout son sens dans mon cas. Et sans savoir pourquoi je continuais à marcher, laissant derrière moi des trainées de sang sur mon passage, comme un animal errant, blessé…. j’attendais que la sage-femme vienne me chercher…

Je ne comprenais plus vraiment ce qu’on me disait, ma seule obsession : mon bébé ? je ne le sentais plus… Etait-il mort ? L’avais-je perdu pour toujours si près du but ? Je craquais littéralement, complètement sous le choc, le cerveau s’était déconnecté… . L’instinct maternel c’est fort quand même.

Je voulais cette césarienne que je redoutais tant depuis des semaines, je la voulais IMMEDIATEMENT !

J’avais l’impression que tout se passait au ralenti, que c’était lent, alors que je savais que je n’avais que peu de chance de sauver mon bébé sauf à être déjà au bloc et le sortir en moins de 10 minutes ! 10 minutes à la fois longues et à la fois courtes qui conditionnaient ma vie et celle de mon bébé. On y pense jamais, mais parfois notre vie tient à 10 petites minutes. Là vous avez déjà peut être perdu 10 minutes à me lire et moi j’aurais pu ne jamais écrire ces lignes.

La sage femme enfin arrivée avait un air affolé intériorisé tentant de ne rien laisser transparaitre, m’a demandé calmement de monter sur mon lit, sauf que moi j’étais tout sauf calme. Je me suis dit “Quoi encore ce lit?! Mais j’y suis restée plus d’un mois !” Un quiproquo un peu au mauvais moment. Mais pourquoi monter sur mon lit alors que j’étais en code rouge ?? Est-ce qu’elle comprenait bien la situation?

Je voulais aller au bloc ! Je voulais un brancard, un digne de ce nom, celui avec des pompiers autour, une alarme à 38000 décibels spéciale code rouge alertant tout l’hôpital, que tout le monde sache ce qui m’arrivait autant que j’avais envie d’hurler ! J’étais en train de perdre mon bébé et accessoirement la vie, la mienne. Ça méritait bien une “fanfare médicale” non?

J’essayais donc d’expliquer qu’il fallait me descendre au bloc, mais je crois que c’est ce qu’elle essayait de faire aussi, dialogue de sourdes… je pense qu’à ce stade on m’avait perdue intellectuellement. Jusqu’au moment où mon chéri, qui lui avait compris que je ne comprenais rien, a repris les rennes, m’a attrapée et posée de force sur le lit. “Ahhhh d’accord ! ces lits horribles font office de brancards”? Je me disais aussi, il fallait bien une raison pour avoir acheté ces supplices inconfortables ! Oui on pense à plein de choses en 10 minutes !

La course à alors commencée, j’allais “enfin” avoir ma césarienne… la peur au ventre, j’ai arpenté les couloirs, tremblante, toujours en état de choc absolu, à pleurer à mesure que défilaient les néons au plafond…. Je ne sentais plus mon bébé, il ne bougeait plus du tout… Dans ma tête je me souviens m’être dit, “vite vite au bloc” et en même temps, “vais-je revenir vivante”? Des sentiments terriblement opposés en un seul instant, celui de vouloir sauver mon bébé coûte que coûte et celui de vouloir fuir à toute allure pour éviter ce qui allait m’arriver et qui me terrifiait littéralement. J’ai encore du mal à retenir mes larmes en me remémorant ces détails des mois plus tard.

J’ai sillonné les couloirs, pris l’ascenseur désagréable, cogné contre 10 murs, en sentant toujours ce sang qui continuait avec détermination sa trajectoire … Je suis arrivée devant la porte du bloc. Là, mon conjoint les bras et le tshirt ensanglantés à été stoppé net. C’est très sélect un bloc opératoire, tenue correcte exigée !

et attention BIM BIM BIM le numéro gagnant est …. :

il ne pouvait pas venir avec moi !

Je vivrai donc ce cauchemar seule ?! Il faut croire que oui.

Une fois au bloc, je n’étais pas si seule tout compte fait… j’avais l’impression d’avoir marché sur une fourmilière et que tout plein de jolies fourmis sortaient d’un coup dans tous les sens. C’était beau ce bloc avec toutes ces personnes qui s’activaient autour de moi comme une danse parfaitement synchronisée, tout le monde à son poste, chacun sa tâche…

J’ai oublié pas mal de choses 6 mois plus tard, mais je me souviens de quelques phrases attrapées à la volée :

“Occupez vous du Docteur Enaudi !!!”

“On a pas beaucoup de temps pour vous parler, mais ça va aller”

“je suis Marion, l’infirmière de garde, on s’est déjà vue, vous vous souvenez ?”

Je me souviens que les petites phrases des infirmières et des médecins, les visages connus m’ont semblé aussi beaux que mes cadeaux de noël quand j’avais 5 ans. D’ailleurs, je crois que je ne me suis jamais sentie aussi petite fille que ce moment où je suis moi-même devenue mère. Ces moments où on veut sa maman, où on a besoin d’être maternée… et que le rôle s’inverse pourtant.

Je pouvais lire le stress sur le visage du corps médical… Personne ne savait si mon bébé était vivant. A chaque fois qu’on s’approchait de moi je demandais : est-ce qu’il est vivant ?? Mais personne ne répondait, personne ne pouvait…

Je tremblais comme une feuille, je claquais des dents, de peur, de froid, de stress, de choc… je me sentais un peu partir..

L’anesthésiste a commencé a préparer sa partie, et d’un coup j’ai repris du tonus sentant que quelque chose n’allait pas se passer comme je le voulais… L’instinct, l’intuition ! J’ai rassemblé mes forces, l’ai regardé droit dans les yeux et je lui ai dit ” ne m’endormez pas complètement, je vous en supplie, je vais tenir, je suis forte..”

J’avais l’impression que je ne me réveillerai pas et je savais que si je me réveillais je serais traumatisée à vie.

Je pense que j’ai été convaincante puisqu’il a soufflé d’un air de dire, “je vais encore devoir me surpasser” et il a accepté ! Ouf !

Là, c’était comme au cinéma, une vraie scène de “The good doctor”pour moi toute seule ! J’ai vu des vrais experts, des maestros, des chefs d’orchestre, il n’y avait pas de musique mais si chaque geste avait été un son, ça aurait été philharmonique, c’est sûr ! … Dans ce moment difficile je me souviens m’être dit que j’étais chanceuse de pouvoir assister à tout ça … quel monde passionnant que celui de la médecine !

On m’a penchée en avant, j’ai vu l’aiguille, j’aurais pas du et on m’a piquée.. Je me souviens avoir eu assez mal (mais je suis douillette !) et m’être dit, “soit forte, peu importe la douleur, à ce stade, plus rien ne compte hormis ton bébé”, qui n’étais peut être même plus en vie à ce moment là. La question planait toujours lourdement.

Mon obstétricienne avait ce stress imperceptible dans les yeux mais cette force tranquille rassurante. Elle m’a jetée de la bétadine sur le ventre et avec sa sonde tout s’est éclairé quand elle m’a annoncée qu’il y avait un coeur et qu’il fallait désormais aller très vite !

On m’a attachée, les pieds, les bras, je ne sentais plus mon corps, cette sensation extrêmement désagréable d’avoir des jambes de plombs qui ne réagissaient plus, flottant dans mon propre sang … Il ont monté le champ opératoire juste devant mon visage, j’ai fixé un point au plafond et je me suis concentrée pour rester en vie, pour rester consciente en priant que mon bébé survive. Je ne pensais plus à moi, c’était comme si je n’étais plus moi, j’étais sortie de mon corps, de la situation trop intense.

Je n’avais pas vraiment mal à proprement dit, mais je sentais tout. On sent qu’on nous triture le ventre, que notre corps est baladé dans tous les sens comme dans un rouleau compresseur, on entend les bruits, on sent des odeurs, tout cela en un millième de secondes car tout va extrêmement vite.

J’ai entendu mon bébé encore dans mon ventre. Les infirmières ont baissées le champ opératoire et elles m’ont dit que le bébé était là : je l’ai vu sortir, je l’ai vu venir au monde et c’était juste magnifique. J’étais devenue maman.

Mon conjoint n’était pas là, j’étais seule, je n’aurais de ces moments aucun films, aucune photo, seulement mes souvenirs, juste ces images que je garderai pour toujours profondément en moi de cet instant précis qui vient contrecarrer tout le reste.

Voir mon fils naître, un spectacle, un miracle à nul autre pareil…

Même dans ces circonstances, croyez moi.

Aujourd’hui je me raccroche à ces images qui me rendent même nostalgiques de ce qui est à la fois le pire moment de mon existence, mais aussi et surtout le plus beau, celui d’avoir rencontré l’amour de ma vie, ma plus belle personne sur terre, mon bébé.

13 minutes en tout et pour tout, de ma chambre à l’arrivée de mon bébé. 13 minutes marquantes, 13 minutes qui ont changées ma vie à jamais. 13 minutes qui ont été difficiles à vivre, mais avec le recul et le temps, aujourd’hui ces 13 minutes je ne les changerai pour rien au monde.

Alors si vous avez eu, si vous allez avoir une césarienne, lisez cet article avec sérénité car s’il peut faire peur, il est pourtant écrit pour vous rassurer.

Une césarienne si on ne s’y attends pas, c’est très violent… ce sont des rêves qui s’envolent, des moments qu’on nous vole, c’est ce sentiment de solitude avec du monde autour, c’est cette frustration de devoir subir là où on devrait agir, c’est la sensation de ne pas être aussi digne que les autres, de ne pas accoucher, de ne pas avoir un corps à la hauteur, d’être une maman moins glorieuse….

Et pourtant, avec le recul, il en faut du courage pour vivre tout ça, il
faut être une sacrée warrior pour se remettre de cet enchainement de déconvenues traumatisantes…

Votre entourage ne le comprendra certainement pas car il est difficile pour le monde de prendre la pleine mesure de ce qu’on vient de vivre. Il faut le vivre pour le comprendre.

C’est pourquoi, j’ai décidé malgré ma pudeur de me livrer en écrivant cet article très personnel, cette photo, dévoilant ainsi un des pans de ma vie le plus intime. Car je veux par dessus tout que ce que j’ai vécu serve à quelqu’un… Même une seule personne et ce sera
gagné…!

  • J’aimerais d’abord sensibiliser les équipes médicales, les spécialistes de la grossesse au fait qu’il faut préparer les femmes à la césarienne… En 2020, il me parait fou qu’on ne dise même pas un mot sur la césarienne dans les préparation à l’accouchement quand en fait 1 femme sur 5 sera césarisée. Il est temps d’en parler et de préparer les mères à cette éventualité pour que plus aucune d’elles ne ressortent complètement
    traumatisées…
  • Je souhaite que les prochaines femmes qui se verront partir en
    césarienne connaisse le déroulement et sache ce qui se passe dans ce bloc… Et surtout grâce à cela qu’elle se focalise sur le positif, qu’elle réalise que ce n’est pas si dramatique une césarienne ! Aujourd’hui, on peut très bien vivre la césarienne à condition de s’y être préparée, les techniques médicales étant incroyables pour récupérer .. Imaginez : on peut remarcher quelques heures seulement après, faire du peau à peau avec bébé etc !
  • J’aimerais que les césarisées prennent consciences comme moi que ce geste les sauve, qu’à une autre époque, elles ne seraient plus de ce monde pour assister aux doux sourires de leurs bébés.
  • Je souhaite que les femmes comprennent qu’une césarienne n’est pas un échec, que c’est LEUR accouchement, que c’est une manière différente d’accoucher, une autre porte pour mettre au monde et qu’une césarienne nécessite autant de courage qu’un accouchement par voie basse… C’est votre accouchement VOIE HAUTE, VOTRE moment, celui où vous allez devenir maman, chérissez le.

Nous sommes des femmes, nous sommes fortes, nous sommes capables, gardez ce mantra à l’esprit, et bienvenu à votre bébé.


Vous allez accoucher ? vous risquez une césarienne ? Vous êtes anxieuse et souhaitez discuter, nous pouvons en parler en consultations

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Merci pour cet article et témoignage ! J’ai moi même eu un vasa praevia, quel stress, quelle déception aussi de ne pas avoir cet accouchement voie basse rêvé ! Hospitalisée à 34sa, césarienne programmée à 37sa+4, heureusement pas d’hémorragie… Tout s’est finalement “bien” passé, mais comme vous dîtes je ne me sens pas glorieuse, j’y pense beaucoup, je suis frustrée même si je sais que c’était la chose à faire pour avoir un bébé en bonne santé… Vos mots m’ont touchée, j’espère faire ce deuil bientôt…

Oh zu, je vois à peine votre commentaire, que je comprends tellement bien. Un vasa preavia, c’est vraiment compliqué à gerer, et pour s’en remettre ça mets un peu de temps aussi. L’important c’est de pouvoir en parler, que quelqu’un entende notre souffrance pour pouvoir vivre cet accouchement avec un oeil diifferent. J’espère que mon article aura au moins permis de vous sentir moins seule. A bientot ! et courage <3

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